(fb) love at first sigh

L’arme à la main, Freddy n’avait qu’une idée en tête : courir. Petit soldat à la botte du gouvernement, il faisait les missions qui lui étaient dictées sans jamais se poser de questions. Du moins, il se les posait, mais il ne les émettait jamais haut et fort, de peur qu’on lui arrache les cordes vocales pour insubordination. Freddy avait pourtant toujours été le gamin mi-docile, mi-rebelle. Il adorait faire des conneries avec sa sœur quand il était petit, mais son père arrivait fréquemment à les remettre sur le droit chemin - pour quelque temps seulement. Aujourd’hui, engagé en tant que soldat américain, c’était pareil. Il servait son pays, mais il arrivait parfois que son côté rebelle revienne en force, jusqu’à ce qu’on lui fasse fermer sa bouche parce qu’il donnait trop son avis. Un soldat, ça exécute, sans broncher. Ça lève pas les yeux au ciel, ça garde le regard fixe, droit. Ça obéit aux ordres, sans question, sans hésitation. Et au fond, ça devient presque une bête, une machine à tuer censée sauver le monde et avoir de l’empathie pour ceux qu’ils sauvent.
Sauf que Freddy se rend bien compte qu’il a perdu une part d’humanité en cherchant à devenir plus humain que jamais. En un an seulement. Mais aujourd’hui, il préfère ne pas s’en préoccuper. Il court, pour se rapprocher des maisons en toute discrétion. L’équipement sur ses épaules est lourd, légèrement bruyant, mais il a été entraîné pour ça. Il se colle derrière une maison en mur de pierres et attendant les instructions avec son escouade. Lorsqu’ils ont le feu vert, il pénètre en force et font sortir le plus rapidement possible les personnes qui sont à l’intérieur.
Une femme, d’à peu près son âge, une jolie blonde aux yeux bleus, l’air fragile, affamée, apeurée, se tient là avec une femme plus vieille. D’instinct, Freddy lui tend sa main pour l’aider à se lever. « Allez, dépêchez-vous, on vous ramène en Amérique ! »

Les mois se succèdent dans le camp. Danika ne saurait dire depuis combien de temps elle est ici avec sa mère, avec tous ces habitants d’Utsira. Leur petite ville, au bord d’une île du même nom, complètement détruite. La guerre fait des ravages que la jeune femme aurait aimé ne jamais connaître. Pourtant, elle est là. A soigner ceux qui ont encore des plaies, ou des fièvres. A recevoir le ravitaillement envoyé par les soldats, alors qu’ils continuent de leur dire que d’autres viendront les chercher, plus tard. Un autre jour. Ils n’ont que ça à la bouche, incpable de leur dire combien de temps encore ils auront les pieds dans la boue, à se tenir tous les uns contre les autres dans ce hangar désaffecté de leur petite île détruite ? À se protéger de la neige, de la pluie, des moustiques. À soigner les rhumes, les grippes, les maladies infantiles, et à enterrer les morts.

Danika n’en peut plus. Elle est épuisée, ne dormant quasiment jamais puisqu’il y a toujours quelqu’un à soigner. Mais elle aime ça, pour autant. Venir en aide aux autres. Cependant, la jeune femme n’aurait jamais pensé être confrontée à la guerre, aux morts si vite. Sa mère aurait voulu qu’elle garde son innocence encore quelques temps, mais c’est perdu désormais. Ce matin encore, elle scrutait le ciel, en pensant qu’ils seraient bientôt à court de vivres. Il leur reste à peine de quoi tenir quelques semaines. Et puis, il y a eu ce bruit. Celui d’un hélicoptère, ou bien d’un avion c’est difficile à dire. La nuit venait à peine de tomber sur leur camp, que des lumières se sont mises à jaillir hors du hangar. De nuit, il est impensable que ce soient les fameux sauveurs qu’on leur promet depuis des mois, pas vrai ? Pourtant, quand elle croise des yeux d’un bleu océan, une main tendue vers elle, Danika la saisit. Tout contre elle, elle aide sa mère à se lever, écoutant les mots de l’Américain face à elle.

Traduisant alors dans son esprit les mots de l’homme, la jeune femme sent un sourire étirer doucement son visage fatigué, tandis qu’elle serre la main de l’inconnu dans la sienne. « Merci, emmenez mère. Je dois aider, enfants ici. » Son anglais n’est pas parfait. Elle ne pratique plus, depuis qu’elle est au camp. Mais elle serre une nouvelle fois la main de l’homme dans la sienne avant de le laisser avec sa mère, attrapant son sac d’infirmière pour rejoindre le fond du hangar, expliquant dans sa langue natale qu’ils sont là pour les sauver, qu’ils doivent rester calme et les suivre. Tous. Parce qu’elle sait parfaitement que ce n’est pas gagné, que de la côte, les soldats norvégiens ont sûrement repéré les américains, et qu’ils ne laisseront pas leurs victimes partir aussi facilement.

L’hélicoptère était particulièrement bruyant quand ils survolèrent le monde jusqu’au camp des habitants d’Utsira. Les forces américaines savaient que cette opération était dangereuse, que les forces norvégiennes pouvaient répliquer d’un moment à l’autre et qu’il fallait agir vite. Le temps était humide et le sol boueux. Les jambes de Freddy s’enfonçaient presque chaque fois qu’il faisait un pas en direction du camp et courir restait fastidieux, même entraîné. Au fond, il n’était pas surhumain, juste préparé. Il n’était pas un superhéros non plus, même si certains aimaient les mettre sur un piédestal. Et pourtant, les horreurs du monde, les choses qu’il était obligé à faire, ça changeait un homme.
Il se concentra à nouveau sur sa mission, s’empêchant de divaguer dans ses pensées, tendant sa main à une jeune femme avec sa mère. Il n’y avait pas de temps à perdre : il fallait les tirer tous de là, leur permettre de rentrer chez eux ou au moins leur donner la possibilité de rejoindre le sol américain en leur offrant l’asile. Pendant des semaines, ils avaient essayé de survivre, de s’en sortir. Ils ne méritaient pas d’être traités ainsi.

Au moment où il réceptionna la mère, la blonde l’informa dans un anglais incertain qu’elle devait aller s’occuper des enfants. « No, wait. » Mais il n’eût pas le temps de la retenir qu’elle était déjà devenue une ombre se fondant dans le décor. Elle aussi devait avoir vocation de sauver le monde, de sauver tout le monde. Mais il ne pouvait pas se permettre qu’une réfugiée se fasse tuée par des forces ennemies parce qu’elle préférait mettre sa vie en danger pour les autres. C’était son devoir de militaire de le faire, pas le sien. Il aida la mère à se relever correctement et la poussa vers un autre collègue. « Bring her back with the others. I got to take care of something. » Il fila dans la direction où il l’avait vu partir et chercha dans les tentes où est-ce qu’elle pourrait être, ayant perdu sa trace. L’air était toujours humide, presque irrespirable. On entendait des quintes de toux ici et là. Dans les tentes vides, Freddy y repéra des lits de fortune à même le sol pour accueillir tout le monde, des couvertures presque déchirées, de très faibles restes de ration. Il y avait même du sang, parfois et des restes de bandage qui traînaient.

Finalement, il retrouva sa tête blonde, occupée avec des enfants, comme elle le lui avait informé. Alors qu’elle s’affaira, il lui attrapa le bras afin de la retenir. You have to go. lui dit-il en pointant les militaires à l’autre bout. « We are taking care of the kids, don’t worry. » lui annonça-t-il d’un ton prévenant en plongeant son regard dans le sien. Il se perdit soudainement dans ses yeux bleus, avec cette étrange sensation d’avoir connu ce visage toute sa vie. Surpris, il la relâcha et recula d’un pas. Il regarda l’enfant dont elle était en train de s’occuper et fronça les sourcils. « What does he have ? Why is he like that ? »

Danika savait qu’ils n’avaient pas beaucoup de temps. Que peut-être certains d’entre eux ne survivraient pas au sauvetage, ou qu’ils ne pourraient pas monter dans l’hélicoptère. Mais Danika se refusait à laisser sa mère, ou des enfants derrière elle. Avec hâte, la jeune femme laissa sa mère dans les bras du joli soldat blond venu l’aider, avant d’attraper sa sacoche d’infirmière et de s’enfoncer dans le hangar. En passant à travers les tentes désormais désertes, Danika criait aux réfugiés d’écouter les soldats et de les suivre, qu’ils étaient là pour les sauver et les aider. Rapidement, tous se hâtèrent vers la sortie, rejoignant des soldats afin de grimper dans l’hélicoptère.

Mais la jeune femme était toujours en compagnie des enfants, aidant certains à s’habiller, leur expliquant dans sa langue natale qu’ils ne devaient pas avoir peur et rejoindre leurs parents au plus vite. Qu’ils n’avaient pas besoin de prendre leurs affaires, juste des vêtements chauds. Sa sacoche d’infirmière autour de l’épaule, Danika vérifiait l’état de santé des malades avant de leur dire de rejoindre un soldat, inquiète qu’ils ne survivent pas au voyage. Ils en avaient déjà perdu tant en cette courte période. Lorsque soudainement, elle sentit une main sur son bras, Danika ne put s’empêcher de sursauter avant de plonger son regard dans l’océan de ceux de l’homme. I’m sorry, scared they are. Need me. Pour autant, elle n’avait cessé de le fixer, semblant reconnaître son visage alors qu’elle n’avait jamais pu le voir auparavant. Une sensation si familière, pourtant. Lorsque le soldat la lâcha finalement, Danika se remit à s’occuper de l’enfant, le couvrant chaudement avant de l’aider à se lever. Les mots lui échappent, certainement le stress. Influensa. Le mot était naturellement sorti dans sa langue natale. « Shit. Sorry. Fever ? Shake ? » Comment expliquer la grippe, et la forme sévère qui semblait atteindre les enfants, forcément plus fragile.

Elle n’aurait pas dû s’en aller par là-bas, mais partir avec les autres, avec la vieille femme. Elle ne pouvait pas leur faire faux bond et il ne pouvait pas se permettre de la laisser ici sous prétexte que quelqu’un avait besoin d’elle. Pourtant, à mesure qu’il réfléchissait, qu’il voyait les circonstances, le sac, les objets, il commença à comprendre. Elle n’était pas une femme comme les autres, une réfugiée au milieu du camp : elle était une réfugiée active, qui aidait le camp, parce qu’elle était infirmière. Et c’est à ce moment-là précis qu’il comprit qu’il fallait absolument qu’il parvienne à la convaincre de rejoindre l’hélicoptère, au risque que les choses dégénèrent et qu’elle soit prisonnière de cet endroit. Il ne s’en remettrait pas s’il lui arrivait quelque chose. Elle était désormais sous sa responsabilité.

Affairée à aider un enfant à se lever et à s’habiller, il l’entendit lui sortir un mot qui ressemblait à un mot anglais, mais l’accent l’empêcha d’être sûr de ce qu’elle lui avançait. Il rassembla toutes les pièces du puzzle ensemble et comprit qu’il ne s’agissait pas d’un simple petit rhume : ces enfants étaient plus que malades. « Okay, i understand. » Ils avaient peur. Ils avaient besoin d’elle. Et elle ne faisait que son devoir au fond, autant qu’il faisait le sien. « Influen … They have the flu ? Crap. » Il comprit instantanément qu’ils n’allaient pas pouvoir ramener ces enfants aussi rapidement. Il attrapa son talkie-walkie. « Okay, guys, I got kids with the flu at the back of the shed. We need another helicopter. Medical helicopter. » Il se tourna vers la jeune femme blonde. « How many ? » Il montra ses mains comme s’il était en train de compter.

Il était hors de question qu’elle laisse les enfants derrière, que seuls les adultes en bonne santé s’en sortent et que les vieillards et les plus faibles restent coincés au camp, dans l’attente, l’espoir que d’autres soldats viennent les chercher. Alors qu’elle s’affaire à couvrir ceux qui tiennent debout, leur indiquant de rejoindre leurs parents et ne pas lâcher leurs mains, elle essaie de réchauffer les plus faibles, de panser une dernière fois les plaies avant le départ, pour ceux qui en ont le plus besoin. Le beau soldat la rejoint alors, et Danika se demande un instant où est sa mère. Certainement qu’il l’aura mise en sécurité avant de la rejoindre, du moins, elle l’espère. Essayant alors d’expliquer, maladroitement et dans un anglais imparfait dû au manque de pratique, Danika tente de lui faire comprendre que les enfants ont attrapé une forme de grippe sévère, dûe à leur jeune âge et conditions de vie. Ja, Flu. Sick for weeks.

Le regardant alors attraper son talkie-walkie, Danika l’observe un moment, tentant de déchiffrer ce qu’il dit dans cette petite boîte noire. Elle reconnaît des mots, hélicoptère médical par exemple. Ils ne partiront pas avec tous les autres, et la jeune femme s’en doutait légèrement. Comment pouvaient-ils venir ici en pensant que tout le monde était en forme, en parfaite santé et prêts à décoller ? Ils avaient passé des mois ici dans cette atmosphère humide, entassés. Tout est propice à la prolifération des microbes. Et les morts qui s’entassent derrière le hangar, maladroitement enterrés, le démontrent bien. Réfléchissant alors à la question du soldat, Danika le regarde un instant dans les yeux, cherchant à traduire tout en comptant sur ses doigts. Ti.. Ten ? Kid. Fem.. Five.. Old. Elle lui montre alors les dix enfants entassés les uns contre les autres dans la tente juste derrière, entourés par quelques parents inquiets, et cinq vieillards qui tiennent à peine debout, à se demander comment ils ont survécu tout ce temps. Sorry. Stay here us ?

Comment prétendre que dans un endroit pareil, on puisse ne pas être sujet à des maladies ? Freddy aurait dû s’en douter en arrivant, mais il avait préféré peut-être ne pas voir la réalité en face. Il voyait l’agitation de chaque personne, des parents et des enfants, avec l’espoir que personne ne tombe et se blesse, que chacun soit soulagé de la survie. Chaque fois qu’il faisait ce genre de rapatriement, il avait l’espoir que les personnes ayant subies ce genre d’épreuves en ressortent plus fort et non moins. Malheureusement beaucoup de rescapés restaient traumatisés d’un temps aussi long où l’on regarde ses êtres chers tomber comme des mouches autour de soi. Freddy gardait son sang-froid en poursuivant l’infirmière et en essayant de se faire comprendre avec elle. Il apprit assez rapidement que les enfants dont elle était en train de s’occuper étaient atteints d’une bonne vieille grippe qui présentait beaucoup de risques.
Comme ils n’allaient pas pouvoir le rapatrier dans le même hélicoptère, Freddy fit la demande au talkie-walkie d’un hélicoptère médical dans lequel les enfants pourraient être traités assez rapidement et mis entre de bonnes mains avec l’équipement médical nécessaire. Il apprend rapidement qu’il y a une dizaine d’enfants et Freddy est complètement sidéré. Ils ne pourront pas faire ce voyage en une fois.  Ten kids ?  Il se passe les mains sur son visage pour encaisser la nouvelle. Avec les parents et les vieillards, plus eux deux, ils seraient trop nombreux.  Okay … I can put twelve  dit-il en montrant ses mains.  In the helicopter. You have to choose ? You is very very sick ?  Il cherchait à se faire comprendre dans l’anglais le plus basique possible, mais la difficulté était grande quand il savait qu’il allait devoir emmener la moitié et laisser les autres ici jusqu’à ce qu’ils aient un véhicule.  The parents. They have to go with the others if … if they are not sick ? Do you understand ?  Il cherchait la compréhension dans son regard pour être sûr qu’elle assimilait ce qu’il lui racontait. Lorsqu’elle lui demanda s’il allait rester, il acquiesça d’un signe de tête.  Of course. Until everyone is gone.

Petit à petit, Danika comprenait que leur rapatriement n’allait pas être simple. Un instant, elle eut la crainte de devoir rester ici, avec les enfants malades, pendant que sa mère et les autres rescapés étaient envoyés en Amérique pour être sauvés. En entendant le soldat demander un hélicoptère supplémentaire, tout en lui indiquant le nombre de personnes malades, soit quinze en totalité, elle vit son visage se décomposer. Détournant un instant le regard, la jeune infirmière reste silencieuse, avant d'acquiescer quand il lui indique avoir douze places dans l’hélicoptère médical. Ja. Hmph.. Elle regarde un instant les enfants, puis les personnes âgées faibles, mais non malades. Leur indiquant alors dans sa langue natale ce qu’il se passe, elle explique à ceux qui se sentent de tenir debout de rejoindre le gros hélicoptère, ainsi qu’aux parents.

Il ne reste alors que huit enfants à ses côtés, avec quatre vieillards, tous porteurs de la même grippe, avec des symptômes plus ou moins forts. Her er. There ? Twelve. Others okay. Not too sick but weak. This very sick. Elle lui désigne alors les douze qui sont restés à ses côtés, espérant que tout soit bon, qu’ils puissent partir avec l’hélicoptère médical tous ensemble. Mais bien entendu, alors que le gros hélicoptère se remplit petit à petit des rescapés, des coups de feu semblent retentir à l’extérieur. Les gardes-côtes norvégiens sont certainement arrivés, prêt à reprendre ce qu’ils estiment être à eux. Leur punition que d’avoir vu leur île se faire détruire par les bombardements. Alors qu’une lueur de terreur passe dans les yeux des enfants, qui se regroupent tous ensembles, Danika se redresse, lançant un regard inquiet à Freddy. We go. Now. Here they are. Elle pose sa main sur l’avant-bras du soldat pour presser légèrement sa peau.

Freddy savait qu’en arrivant pour sauver les rescapés, l’affaire ne serait pas simple. On les avait prévenus que cette opération serait très compliquée, qu’ils ne pourraient peut-être pas sauver tout le monde, même s’ils faisaient tout leur possible. Freddy était un homme qui avait en tête qu’il devait faire remonter tout le monde, qu’il soit obligé de rester sur le sol ou pas, qu’il soit prisonnier ou pas. Il ne pouvait pas envisager partir et laisser des innocents se faire massacrer parce qu’il n’a pas pu sauver tout le monde. Il aurait cela bien trop longtemps sur sa conscience, se sentant bien trop coupable. Et ces démons viendraient le pourchasser tout au long de sa vie sans qu’il ne puisse rien y faire. Alors il se promit de sauver tout le monde, par n’importe quel moyen. La jeune femme blonde et lui poussèrent la plupart des rescapés - douze d’entre eux en tout cas - à aller vers l’hélicoptère.

Soudainement, alors qu’ils étaient en train de les escorter, des coups de feu retentirent, indiquant à Freddy que la situation était critique. Ils allaient devoir s’en aller coûte que coûte, le plus rapidement possible. Sous les regards des enfants effrayés, il les poussa à monter dans l’hélicoptère.  Come on, come on. Get in !  Il s’impatienta, fit des gestes plus vifs, montrant l’urgence de la situation. La blonde attrapa son bras pour le presser mais lui et quelques personnes ne pourraient pas monter à l’intérieur de l’hélico.  Yeah. Hum …  Il chercha ses mots. A car is ... hum ... coming for us, okay ? We’ll be ... safe hum ... soon, don’t worry.  Il tenta de la rassurer comme il pouvait. « Come on, we have to hide.  Il emmena tout le monde derrière une immense tente pour que les dernières personnes qui restaient se cachent derrière. Bientôt, ils s’en sortiraient.

Les coups de feu se rapprochaient, le cœur de Freddy battait la chamade. Il échangea un regard avec l’infirmière et tenta de ne pas lui faire peur par un coup d’oeil inquiet. Gardant son sang froid, il tenta un coup d’oeil vers l’ennemi et manqua de se faire tirer dessus. Il se replia et appuya sur son talkie-walkie.  Hurry up ! We are under attack.  Quelques secondes plus tard, le camion militaire arriva à quelques mètres.  When i say so, you run, okay ? I’ll cover you up.  Il attendit quelques secondes, le temps que l’ennemi recharge et sortit de sa cachette pour leur tirer dessus.  Run !  hurla-t-il.

Alors que l'hélicoptère était sur le point de s’envoler, il était encore temps pour ceux en meilleure forme de monter. Il n’y aurait pas assez de place pour tout le monde si elle avait bien compris les mots du soldat, mais du moment que la plupart de ses pairs étaient sauf, ainsi que sa mère, Danika se sentirait déjà soulagée. Leur tour à eux viendrait, le soldat le lui avait dit. Traduisant en norvégien à ses pairs de monter en vitesse dans l’hélicoptère, les aidant à grimper, elle ne s’attendait seulement pas à entendre aussi rapidement des coups de feus des soldats norvégiens luttant pour garder leurs captifs. Refermant alors à la hâte la porte de l’hélico, restant désormais seule avec le soldat et trois enfants, Danika hocha doucement la tête en entendant les paroles inquiètes du soldat. “ Okay. It is okay. Follow. ” Lui offrant un faible sourire épuisé, Danika lui pressa doucement le bras pour le rassurer.

Le suivant alors à couvert, attrapant une couverture pour la glisser sur les épaules des trois enfants, les pressant contre elle, Danika observait autour d’eux à la recherche du fameux véhicule qui devait venir les chercher et les emmener dans un coin plus sûr de l’île, probablement. Alors que les coups de feu semblaient devenir plus proches, Danika sentait son cœur battre de plus en plus vite. Pour autant, elle était en paix. Elle savait, au fond d’elle, qu’on viendrait les chercher. Les américains n’étaient pas assez bêtes pour laisser un des leurs au sol, en plein No man’s land. Et surtout, elle avait confiance. Essayant de rassurer alors le soldat d’un sourire, malgré l’épuisement sur son visage, Danika se redressa en l’entendant parler dans son talkie. “ Okay. Understand. ” Petit à petit, les mots anglais se montraient plus clairs dans son esprit, ils étaient alors moins bafoués. Soudainement, le soldat hurla de courir, et la jeune femme attrapa les enfants contre elle, visant le véhicule un peu plus loin avant de se mettre à courir. Sa besace médicale autour de la taille la gênait quelque peu, mais elle était nécessaire pour les enfants le temps du trajet. Les coups de feus retentissaient autour d’eux, et Danika jeta de temps en temps des regards vers le soldat, alors que les enfants furent embarqués dans le véhicule par d’autres soldats.

Attrapant alors le bras du soldat derrière elle, Danika se hissa dans la voiture tout en l’attirant contre elle, retombant lourdement sur le sol du camion militaire, qui une fois complet démarra sans plus attendre. Le son des coups de feu tirés vers le camion blindé ne cessent de se faire entendre, alors que doucement Danika lâche le soldat, se redressant un peu avant de remarquer du sang, sur sa main. Les sourcils froncés, la jeune femme vérifie premièrement qu’elle ou les enfants n’ont rien, avant de se tourner vers le soldat. “ You hurt. Hvor ? ” Elle lui pointe son corps du doigt, détachant sa sacoche de sa taille pour vérifier le soldat, s’agenouillant contre lui. “ Let me. ”

Les coups de feu retentissaient dans ses oreilles jusqu’à en devenir des bourdonnements sourds tout autour de lui. Les norvégiens avaient visiblement décidé de ne pas laisser le soldat américain s’en aller avec leurs otages. Mais Freddy ne se voyait pas les abandonner pour sauver sa propre vie. Coûte que coûte, il trouva une nouvelle solution tandis que les hélicoptères décollaient. Quand il demanda un autre hélico, on lui indiqua que l’arrivée des norvégiens et des coups de feu les empêchaient d’intervenir - de plus, tous les hélicoptères étaient sur le chemin du retour. De ce fait, aucun n’était disponible pour les ramener. Il ne restait qu’un véhicule blindé à leur portée qui s’avançait désormais vers eux.

Run !  qu’il avait crié à l’infirmière blonde à ses côtés. Elle avait attrapé un enfant dans ses bras mais semblait peiner à avancer à cause de sa trousse médicale à ses côtés. Freddy, quant à lui, avait aussi un enfant dans les bras, tirant le plus grand et le moins malade des trois de la main pour l’aider à courir. Il se cala sur la cadence des enfants et de la blonde. Ils se rapprochaient de plus en plus du véhicule, qui avançait lui-même vers eux. Les coups de feu continuaient de retentir. Sur sa course, il voyait les impacts des tirs dans le sable qui atteignaient ses pieds et qui risquaient de le toucher. Norwegians are lame at shooting, pensa-t-il dans un rictus.
Paf !  Argh.  Il serra les dents. Il avait crié victoire trop vite. Il manqua de trébucher sur le sol. L’enfant hurla de peur. Freddy se demanda alors s’il avait lui aussi été touché. Il grinça des dents. Le véhicule se rapprochait, la jeune femme avait eu le temps de mettre le premier enfant dans le véhicule, Freddy oublia la douleur qui lui arrachait l’épaule et propulsa un enfant puis l’autre dans le véhicule. L’adrénaline lui empêcha de se rendre compte à qu'elle point la plaie n’était pas belle à voir. Alors que le véhicule commençait à reprendre de la vitesse pour déguerpir le plus rapidement possible, il attrapa la main qui lui était tendue et fut hissé à l’intérieur.

Il tomba au sol du blindé aux côtés de l’infirmière.  Thank you …  souffla-t-il avant de se hisser pour s’asseoir contre l’une des parois. Il la vit examiner les enfants avant de revenir vers elle. Ce n’est seulement quand elle lui demanda s’il était blessé qu’il ressentit une douleur lancinante dans l’épaule comme si on venait d’appuyer sur sa plaie. Il lui aurait bien dit que ça allait, mais elle s’affairait déjà pour le soigner. Il sentait le sang tâcher sa tenue. La balle avait pénétré le seul endroit qui n’était pas protégé par le kevlar. Une autre avait, pour le coup, frappé dans le gilet, signe qu’il avait très clairement été visé.
Pour aider la jeune femme, il enleva son gilet et ouvrir sa veste pour tenter de retirer sa manche malgré la douleur. Il jeta un coup d'œil aux gamins, recroquevillés dans un coin du véhicule.  Are they fine ?  lui demanda-t-il, inquiet pour les enfants.

Ils auraient pu se croire dans un de ces films qu’elle regardait autrefois à la télévision avec sa mère, avant la chute du monde humain, avant le désespoir et la terreur qui les avaient saisis ces derniers mois. Ils étaient là, à courir vers un camion qui roulait dans leur direction, tandis que les coups de feux fusaient autour d’eux. Danika mentirait si elle osait dire qu’elle n’avait pas peur. En cet instant, tandis qu’elle courait à toute vitesse vers le camion, l’un des enfants dans les bras en le camouflant vainement de sa veste, elle était effrayée. Saisie par la peur. Mais il fallait avancer, attraper la main de ce soldat dans le camion pour lui tendre l’enfant, aider les deux autres à monter avant d’à son tour, faire grimper le soldat qui les as sauvés de cet enfer. Maintenant qu’ils sont tous dans le camion, ce dernier filant loin, très loin de la zone de bataille, probablement pour rejoindre un bateau censé les emmener en sûreté, Danika reprend ses esprits. Il y a du sang sur ses mains, mais aucun des enfants ne semble avoir pris une balle. Aussitôt, ses pensées se tournent vers le soldat blond, son sauveur.

S’affairant à regarder en douceur si il semble blessé, Danika remarque alors une tâche brune qui se forme vers l’épaule du soldat. Lui demandant alors si il est blessé, l’infirmière n’a besoin que de voir la grimace sur son visage pour comprendre qu’une balle s’est certainement logée dans son épaule. Aidant le soldat à retirer son gilet, puis sa veste, elle attrape des ciseaux dans sa sacoche pour dégager la plaie dans son épaule. La balle est probablement encore à l’intérieur, étant donné qu’elle ne voit pas de sortie de l’autre côté de l’épaule. Aussitôt un autre soldat présent dans le camion s’approche d’eux, demandant à Freddy comment il se sent, essayant probablement de reprendre les choses en main mais d’un geste de la main, Danika le tient à l’écart, avant d’attraper une pince dans sa sacoche et de la désinfecter. " They are. Ok. Thank to you. " Elle lui offre un sourire fatigué, mais sincère, avant d’attraper un morceau de tissu qu’elle attrape sur le sol, et de le tendre devant le visage du soldat. " Grr. Bite. This. " Elle imite une morsure sur le tissu avec ses dents, avant d’attraper la bouteille de désinfectant et d’en verser sur la plaie du soldat. Il aura mal, mais elle doit retirer la balle.

La peur.
Un sentiment plus ou moins abstrait pour lui. Il avait été formé pour la ressentir et la contrôler. Parce qu'il ne pouvait pas nier qu'en cet instant, il était effrayé. Il était effrayé pour la vie de ces enfants, pour cette jeune femme,  pour tous ceux qui étaient en danger à cause des tirs. Ses coéquipiers qu'il pouvait perdre à tout instant et pour lui-même  aussi.

Il ne pouvait pas imaginer la peur qui devait traverser ces petits êtres. Leurs regards perdus en témoignaient pourtant, quand ils regardaient ici et là, la terreur dans les yeux. Ils essayaient de s'accrocher à n'importe quel détail qui pourrait les rassurer et le seul qu'ils avaient en leur présence, c'était elle : l'infirmière dont il ne connaissait pas le nom.

Et tout avait l'air de revenir à elle, aujourd'hui. Comme si elle était le noyau de quelque chose. La douleur le faisait serrer les dents tandis qu'il retira sa veste. La blonde l'aidait et commença à découper sa tenue autour de sa plaie. Un coéquipier quitta sa place et s'approcha de lui.  'U alright, Fre' ? I'm gonna …  Il n'eut pas le temps de réagir que l'infirmière repoussa le soldat qui la regarda d'un air indigné.  Let her. She knows what she is doing.  Il aurait pu douter d'elle, ne la connaissant pas. Mais à voit comment elle s'occupait des enfants et sentant une force dans ce regard fatigué mais déterminé, il n'hésita pas une seule seconde à lui accorder sa confiance. Le soldat recula de quelques pas pour les regarder, restant au cas où elle aurait besoin d'assistance. Lorsqu'elle lui tendit de quoi mordre, il comprit que la balle n'était pas ressortie. Elle avait sûrement dû le voir en tâtant l'arrière de son épaule. Et si elle était encore dedans, elle allait devoir l'extraire.
À nouveau, un léger sentiment de peur attrapa ses entrailles tandis qu'il mettait le morceau de tissu dans sa bouche. Il prit une profonde inspiration tandis que sa respiration commençait à devenir saccadée. Il serra les dents en levant les yeux vers le plafond, grognant tandis qu'elle tentait d'extirper la balle de son épaule. Il chercha à sa droite quelque chose à serrer avec sa main, afin d'apaiser la douleur et attrapa la première chose qui lui vint. Lorsqu'elle s'arrêta, il se demanda s'il restait des extraits de balle.  Are you done ?

Maintenant, ils étaient en sécurité. Danika ne pouvait que réaliser ça, offrant parfois un regard rassurant aux enfants qui s’étaient terrés dans un coin du camion, recroquevillés les uns contre les autres sous la couverture que Danika leur a glissé sur les épaules. Déshydratés, affamés, et affaiblis, ils n’ont heureusement pas été blessés pendant leur course jusqu’au camion militaire. Pas comme ce brave soldat, qui depuis le début l’a accompagnée, l’aidant à ramener ces enfants en sûreté dans un pays qu’elle ne connaît pas. Car ils quittent la Norvège, ça elle le sait.

Repoussant le soldat inconnu venu dans le but de l’aider à soigner l’homme blessé, Danika s’affaire à retirer le vêtement ensanglanté, observant la plaie et constatant alors que la balle n’est pas ressortie. Grimaçant légèrement, Danika déchire à la hâte un linge afin de le tendre au soldat, pour qu’il morde dedans. Attendant qu’il prenne une inspiration, elle attrape une pince dans sa sacoche et la désinfecte avant de l’enfoncer dans la plaie du soldat, attrapant d’un geste rapide la balle avant de l’extraire. Vérifiant alors qu’elle est entière et qu’aucun morceau ne pourrait se trouver dans le corps du soldat, Danika attrape sa bouteille de désinfectant et injecte directement le produit dans la plaie du soldat, avec rapidité pour que la douleur s’arrête au plus vite. Done. Ja. Wait.

Lui offrant alors un sourire qui se veut rassurant, Danika attrape de quoi le recoudre, après avoir vérifié qu’aucun tissu ne semblait déchiré. Seule la chair et le muscle ont été touchés visiblement. Une fois la plaie recousue, Danika applique une compresse dessus et s’occupe de bander la plaie, avant d’attraper un autre linge et de l'humidifier pour le passer sur le front du soldat et son visage. Done. Brave you. We thank you. You save us. Elle lui dépose alors un baiser sur la joue, avant de s’essuyer les mains et de ramasser sa sacoche, avant de se lever, chancelant légèrement, pour s’approcher des enfants.

La plupart des opérations de ce type se déroulent normalement sans accroc, avec une arrivée clean et un départ rapide. Seulement, ils n’avaient pas anticipé qu’il y avait autant d’enfants. Même s’ils avaient observé les lieux, l’urgence de la situation leur avait empêché d’estimer correctement le nombre de personnes qu’ils allaient devoir évacuer. Par chance, Freddy avait été le seul à être blessé lorsque l’ennemi avait décidé de sortir l’artillerie. En revanche, il savait que tout ce qu’il s’était passé n’allait pas rester tabou au sein des rangs. Qu’on allait en parler, que ça risquait de gueuler pour comprendre ce qu’il s’était passé, ce qu’il fallait changer pour que cela n’arrive plus.

Mais ce n’était actuellement pas la préoccupation première de Freddy. Il était trop occupé à serrer les dents dans le tissu qu’on lui avait donné, retenant des cris de douleur lorsque la jeune femme blonde extirpa la balle de son épaule. Durant tout le temps où elle s’occupa de lui, il ne put s’empêcher de la regarder, de la détailler, scrutant son petit nez, faisant le tour des courbes de ses joues, de son menton, s’accrochant à ses orbes bleutées, à sa concentration, à ses gestes minutieux. Il avait l’impression d’un déjà-vu, comme s’il le reconnaissait. C’était même comme s’il l’avait connu toute sa vie, alors qu’il ne l’avait encore jamais rencontré. Ce sentiment particulier s’accrocha à lui, sans qu’il ne comprenne ce qu’il signifiait. Même s’il ne le comprit que des années plus tard, c’est cet instant en particulier qui provoqua un véritable coup de foudre chez lui. Puis il décrocha lorsqu’elle mit la compresse dans son épaule. Il s’y accrocha à nouveau lorsqu’elle se mit à recoudre sa plaie. Lorsqu’elle déposa un baiser sur sa joue juste après avoir terminé, son cœur rata un battement, croisant un regard qu’il n’avait encore jamais vu chez elle. Il n’avait aucune idée de ce qu’il se passait dans sa tête, ni ce que signifiait ce regard, mais il s’imprégna dès la première seconde dans son esprit comme si elle venait de déposer une marque indélébile sur son âme.
Alors qu’elle s’éloignait, il attrapa sa main avec son bras valide.  Thank you.  Avant de la laisser s’en aller auprès des enfants. Durant le reste du trajet, il ne put s’empêcher de lever de temps à autre le regard vers elle, jusqu’à ce que, au bord de l’épuisement, il ne finisse par s’endormir.

Freddy, wake up.
Il sursauta, en ouvrant soudainement les yeux. La lumière l’éblouissait, on était arrivé. On avait ouvert le camion. Son regard se rapporta aussitôt sur la jeune demoiselle blonde et sur les enfants. Avant qu’il n’ait eu le temps de lui dire quelque chose, on la faisait sortir et des hommes supposés s’occuper de sa blessure entrèrent et l’aidèrent.  Wait. Wait ! » Il se débattit légèrement.  I’m coming right back, just give me two seconds.  Les médecins s’écartèrent et il chercha l’infirmière jusqu’à la retrouver au milieu des réfugiés. Il posa sa main sur son bras.  What’s your name ?

Toute sa concentration était tournée vers cette épaule. Ce trou, à l’intérieur. La lueur de la balle, qui heureusement semblait n’avoir touché aucun os, bien qu’une radio une fois qu’ils seraient arrivés serait quand même l’idéal. Une fois la totalité extraite, les tissus réparés et recousus, Danika applique un bandage propre sur la plaie, entourant l’épaule avant de la maintenir immobilisée par une bande qu’elle passe autour de sa nuque. Puis, comme pour le remercier de l’avoir sauvée, elle et les autres, Danika vient déposer un doux baiser sur sa joue. Elle serre sa main, un instant, avant de se lever pour le laisser se reposer. Mais il lui attrape la main, la remercie. Et à cet instant, la jeune femme sent comme un doux picotement qui lui traverse le bras, jusqu’au cœur. Elle en frissonne, entièrement, avant de lâcher la main du soldat après lui avoir offert un sourire, rejoignant les enfants pour s’occuper d’eux. Et elle les veille, pendant les nombreuses heures du trajet, ne s’endormant pas une seule fois. C’est trop tôt, ils ont besoin d’elle. Parfois, de temps en temps, elle regarde le soldat dormir, et un doux sourire vient alors flotter sur ses lèvres.

Lorsqu’enfin ils arrivent à destination, Danika se lève, aidant les enfants à se réveiller et se lever. Elle les fait sortir, doucement, avant de jeter un dernier regard au soldat encore endormi. Même ainsi, il est magnifique. Doux sourire sur les lèvres alors qu’elle rejoint les réfugiés, permettant à chaque enfant de retrouver ses parents, jusqu’à ce qu’elle même puisse s’assurer que sa mère va bien. Attachant alors rapidement ses cheveux, Danika aide les soldats infirmiers dans un anglais approximatif, leur donnant les informations nécessaires pour soigner les enfants. Elle même se laisse installer sur un siège pour qu’ils soignent son arcade et les quelques blessures sur ses bras, avant qu’elle ne reparte au milieu des siens. Jusqu’à ce qu’une main se pose sur son bras bandé. Un frisson, le même qu’un peu plus tôt dans le camion. Se tournant doucement pour croiser les douces pupilles du soldat qui lui a sauvé la vie. “ Danika Dälsen. You Freddy ? ” Elle lui offre alors un doux sourire, malgré son air très fatigué et ses cernes sous les yeux.

La fatigue avait eu rapidement raison de lui quelques temps après qu'il se soit fait soigner par la jolie jeune femme. Il faut dire que l'extraction l'avait grandement mis sous pression, en plus des imprévus. S'en était suivie la perte de sang et la douleur manquant de lui faire verser une larme, mais il avait réussi à se contenir, notamment par le tissu et la douce présence de la blonde, dont les mots calmes avaient su l'apaiser.
Il avait cru entendre encore ses mots résonner dans ses oreilles tandis que le camion se secouait sous les ardeurs de la route cabossée, et les bras de Morphée avaient fini par avoir raison de lui.
Pour une fois, il ne lui était apparu aucune terrible image du passé, aucun visage déformé, ni de sang débordant d'une plaie béante. Il s'était contenté d'un court sommeil plus ou moins réparateur, vide et sans accroc, qui lui manquait depuis de nombreux mois. Était-ce la présence de la jeune femme qui avait renforcé sa confiance et calmé ses angoisses le temps d'un trajet ? Probablement.

Quoi qu'il en soit, lorsqu'il a émergé, appelé par une voix puissante - loin de la douce voix qu'il l'avait bercé - la ramenant rapidement à la réalité. Bien que blessé, il restait un soldat et il avait des devoirs à accomplir. Sur ses pieds en quelques instants, il ramassa ses affaires en grinçant des dents, la douleur déformant pitoyablement ses traits. Il passa un regard circulaire sur les lieux, découvrant que la femme avait disparu, les enfants avec elle. Tout le monde avait probablement trop occupé pour le réveiller et elle n'avait peut-être que faire du soldat. Simple geste généreux pour sauver une vie, parce que ça devait faire partie de son métier, puis elle passait à autre chose.
Pourtant, Freddy était persuadé que le courant électrique qui était passé à travers lui avait fait de même avec elle. Une connexion étrange avait dû se former entre eux, et les sensations qu'il avait ressenti n'avait pas pu être unilatérales. Il ne le concevait pas.

Faisant patienter son camarade, Freddy avait bondit du camion à la recherche de la tête blonde. Lorsqu'enfin il la trouva au milieu des enfants, il décida de saisir sa chance, même si le temps leur était compté et qu'ils ne se reverraient probablement jamais. Avec un nom et un prénom, tout était possible. Il en était convaincu.
Danika sonnait drôlement doux à ses oreilles, suffisamment pour qu'il esquisse un sourire timide. La fatigue de la jeune femme était terriblement voyante, mais malgré tout, elle avait ce rictus aux lèvres qui confirmaient ses convictions. « Freddy ! » Son nom résonna une nouvelle fois dernière lui, l'impatience en prime. « Yes. Freddy Montgomery. I have to go. But it was nice to meet you. » Son nom résonna à nouveau, plus puissamment et plus proche, et il se hâta. Il referma légèrement sa prise sur le bras de Danika avant de le relâcher et de s'éloigner. Il mit un certain temps à décrocher son regard d'elle, comme une promesse d'un " on se reverra. " « May we meet again ! » lança-t-il au dernier moment en levant le bras en guise de salut sans trop savoir pourquoi. Cette femme, elle venait de marquer sa vie entière, une rencontre anodine et pourtant si puissante qu'il n'était pas prêt d'oublier. Tandis qu'il se dirigeait en trottinant vers son camarade, il se promit à lui-même de la retrouver et de lui proposer un verre.