Dimitri Wright

Ça puait autant l'alcool que l'essence chez les Wright, dès la naissance du premier gamin et ce, jusqu'à ce que le dernier soit encore en vie : soit toujours. Les Wright, c'est pas tellement des enfants de coeur, à vrai dire. Depuis tout petit, éduqués au milieu des motos rutilantes et des trafics d'armes, Dimitri a rapidement su où serait sa place, ici. Depuis le début, ça coulait déjà dans ses veines. Et c’est pas faute d’avoir eu un père qui adorait cela. Pourtant, Dim, il avait pas de quoi sombrer. C’était un gamin honnête dans une famille de classe moyenne qui manquait de rien. Sauf qu’il est rapidement tombé du mauvais côté, Dim. Il voulait d’abord suivre les pas de son père et devenir le futur président des north siders. Mais ça, c’était quand il n’avait pas même dix ans. Bientôt, ses désirs se sont transformés, ils ont d’abord glissé vers les conneries d’un gamin de quinze ans. La cigarette. La drogue. L’alcool. Le sexe. Tout s’est rapidement enchaîné. Il jouait le bad boy de l’école et ne ramenait jamais vraiment de bonnes notes, juste de bonnes meufs.
Y’a eu la taule aussi. Pour coups et blessures d’abord, puis quelques vols aussi. Mais la prison de quelques mois n’a fait que renforcer son côté délinquant. Mais Dimitri, c’était le genre de gamin qui n’en avait rien à foutre de rien.
Puis un jour, avant même d’atteindre la vingtaine, maman se barre. Ça faisait même pas quelques mois qu'il avait effectué son premier meurtre, qu'il était devenu membre. Et elle, elle a littéralement disparu des radars. Plus aucune nouvelle. L’un de ses piliers venait de lui échapper des mains, elle venait de s’envoler sans prévenir. C’est à ce moment-là que l’aîné des Wright s’est aussi volatilisé, prenant une bécane à la recherche de sa mère. Il naviguait de ville en ville avec sa photo, l’unique photo qu’il avait d’elle. Il voulait comprendre, il voulait savoir. Et si elle était en danger ? Dimitri n’avait aucun mal à venir se faire héberger et nourrir auprès d’un autre chapter, notamment grâce à la réputation de son père.

Il avait déjà fait un pas du côté sombre, Dim. Il n’a pas fallu longtemps pour qu’il vrille encore plus bas. Pour obtenir des informations, Dimitri a commencé par les poings, avant de laisser place à la torture. Et plus il le faisait, moins ça le dérangeait. Tant qu’il retrouvait sa mère. Et si chaque piste l’amenait à une impasse, il poursuivait, il cherchait. Partout. Jusqu’à ne plus rien trouver et se résoudre à lâcher prise. C’est quand il a commencé à abandonner qu’un homme s’est penché au-dessus de son épaule pour lui proposer un boulot. Il avait besoin d’un homme de main, de quelqu’un qui n’avait pas peur de cogner pour obtenir des informations.
Seul, au milieu de nulle part avec pour simple compagnie sa bécane, les poches vides et le ventre qui grognait, il n’a pas hésité une seule seconde. Les choses se sont corsées quand on lui a demandé de presser la détente. Il a bombé le poitrail et il a tiré en frissonnant. C'était déjà la deuxième fois. Puis les tirs se sont multipliés et il avait cessé de fermer les yeux. Désormais, il regardait ses victimes droit dans les yeux, il devenait cruel et il finissait comme un bon petit soldat qui exécutait les ordres sans broncher.
Seulement, cette vie ne lui a jamais réellement plu. Dimitri n’était pas un homme prêt à rester accrocher à ce chapter sans bouger. Il avait envie de voyager, de découvrir les États-Unis, d’être totalement indépendant. À partir du moment où on a commencé à l’appeler pour jouer les tueurs à gages, il n’a pas hésité à se former un bon réseau. Il devenait un manteau professionnel, avec passeports et cartes d’identités différentes. Faux badges et ses liens étroits lui permettaient de se volatiliser, de devenir qui il voulait. Méticuleux, il prenait soin de ne laisser aucune trace derrière lui. Ses seules erreurs ? Les femmes et la bouffe. Au cours d’une mission, il n’avait aucun remords à se taper une demoiselle dans une chambre puis de se remettre en selle.

Seulement, il y a quelques mois seulement, il a appris le décès de son père. Grosse claque en pleine figure. Surtout de savoir ensuite que son frère avait été foutu en prison et que sa soeur était donc à la merci de tout le monde, sans protection. Femme coriace, il n’a jamais douté de sa capacité à se défendre. Mais son devoir de grand frère l’appelait. Il n’était pas beaucoup repassé, n’avait pas profité ni donné beaucoup de nouvelles et la culpabilité le rongeait. Surtout quand il savait qu’il avait ruiné ses chances de passer du temps avec son père en cherchant sa mère et en déviant de son chemin initial. Seulement, sa soeur avait décidé de prendre la route, elle aussi. Et lui, il continuait d’avoir quelques missions. Alors il enchaîna son devoir, jusqu’à avoir assez de sang sur les mains pour avoir envie de vomir et de se calmer un peu. Le sang qui avait coulé n’avait pas été suffisant pour apaiser la douleur de son coeur et refermer la plaie béante qu’avait ouvert le décès de son père, tué par des norths. S'il a voulu faire partie de l'exécution de ces hommes en cherchant à les traquer, la vérité lui a sauté à la figure, avant même qu'il n'ait eu le temps d'agir. Son père avait été tué par les Mills. Et la rage est monté, aussitôt. Mais pas le temps de se venger. Le sale boulot avait déjà été fait. Par qui ? Bonne question. Les réponses avaient été trop vagues. Et il avait sentit ses forces le quitter. Rancœur sur le cœur, il s'éloigne pour prendre du recul, pour encaisser le deuil.
Récemment demandé à Oracle, il a décidé d’aller rendre visite à sa soeur au passage, en espérant qu’elle soit revenue. Il espérait qu’elle soit toujours dans le coin. Puis les amis d’enfance qu’ils croisent et le voilà qui se pose des questions. Doit-il repartir ? Il sait que ses véritables frères d’armes sont ici. Et le meurtre effectué, sans accroc, même s’il n’a plus vraiment de raison de rester, il loge encore dans un hôtel en attendant de voir comment évolue les choses. Il vit au jour le jour sans se rendre compte qu’il s’ancre davantage dans sa ville natale.
Et la nostalgie le surprendra, plus qu'il ne le croit.