earth is falling apart.

Une nuit comme il n'aurait jamais pensé en vivre. Midgard n'était pas le Royaume préféré de Loki, mais puisque c'était ici qu'était son exil, il avait bien du s'y accommoder. De loin, il se sentait bien mieux à Asgard ou encore Jotunheim, mais cela faisait maintenant de nombreux siècles qu'il n'y avait pas posé les pieds. Le royaume des piètres humains était désormais sa demeure, un exil qu'il se forçait de vivre de la meilleur des manières. Il faut dire qu'après la naissance de Fenrir et la prophétie des oracles, le tout puissant Odin ne souhaitait plus que le Dieu de la Malice mette un pied à Asgard. Et puisque le Bifröst lui était désormais fermé, il n'avait aucun moyen de retourner au moins à Jotunheim. Certainement un moyen pour Havi d'espérer contourner cette prophétie stupide qu'on lui avait promis, celle où le plus somptueux des enfants de Loki ôterait la vie du tout puissant Odin alors qu'il mènerait les géants vers le Ragnarök.

Cependant cette nuit, alors qu'un violent orage s'abattait sur cette ville luxueuse de Midgard et qu'il était comme bien souvent, perché sur le toit de l'immeuble qu'il doit surveiller, il cru apercevoir une ombre bien trop familière. Aussi haute que les nuages, assombrissant encore plus le ciel, il lui avait semblé reconnaître les traits d'un de ses enfants, Fenrir. Mais que pouvait-il bien faire à Midgard, lui qui était normalement enchaîné suite à la crainte d'Havi ? C'était impossible, et pourtant Loki se devait d'en avoir le cœur net. Mais la nuit passa bien trop rapidement pour que le Dieu exilé ne puisse partir à la recherche de cette ombre gigantesque, et son rôle auprès des mortels de cette vie actuelle le ramena à la réalité. Une fois encore, il devait endosser le costume de Gabriel Levitsky. Garde du corps du Préfet de cette nation. Et aujourd'hui, ils devaient rencontrer le Gouverneur, afin de discuter des évènements étrange de la nuit passée.

Les bras croisés dans le dos, suivant les pas de celui qu'il est censé protéger dans cette vie humaine, Loki peine cependant à se concentrer. Si son regard bleuté se pose parfois sur les silhouette qui entourent le Gouverneur et le Préfet, particulièrement sur les courbes féminines qui s'y trouvent, un vide se fait ressentir dans son esprit. Ses pensées ne cessent de retourner auprès de la forme gigantesque qu'il a aperçu cette nuit. Se pourrait-il que Fenrir soit sur Midgard ? Mais si c'est le cas, comment se porte t-il ? La possibilité qu'un de ses enfants soit sur Terre travaille le Dieu, l'empêchant alors de se concentrer pleinement.

Le temps filait à une vitesse étonnante sur Midgard. Freyja avait cessé de se rendre à Asgard depuis si longtemps qu’elle en avait oublié le visage de ses filles, Hnoss et Gersimi. Elle les savait entre de bonnes mains, là-haut, en compagnie de son père, Njörd. Il était sûrement en train de leur apprendre tout ce qu’il faut savoir sur les océans à Midgard, la pêche et les poissons, comme il avait pu le faire avec elle. C’est bien pour cela qu’elle n’avait jamais eu aucun problème lorsqu’il s’agissait de s’approcher d’une surface ondoyante et des espèces occupant les lieux maritimes. Pendant longtemps, elle avait même espéré que ce que son père lui avait appris lui permettrait de naviguer n’importe où, de se rendre où qu’elle veuille. Seulement, Midgard n’était pas seulement constitué d’océans, de mers, de lacs, de fleuves ou de rivières. Il existait aussi des terrains terrestres et arides, auxquels elle était moins habituée mais qui étaient si vastes qu’ils devaient forcément pouvoir leur donner des indices sur l’emplacement de son conjoint.
Elle ne comptait plus les dizaines de milliers d’années qui avaient dû passer depuis qu’elle était partie à sa recherche, sillonnant le monde. Elle n’avait jamais perdu espoir de retrouver Od, même si on lui disait qu’il était fort probable qu’il soit mort. Tant qu’elle n’aurait pas retrouvé de corps, Freya n’abandonnerait pas l’homme qu’elle avait tant aimé. Elle était persuadée qu’il était là, quelque part, et qu’elle ne le cherchait pas en vain. Elle avait la sensation parfois qu’il laissait des indices derrière elle pour qu’elle persévère, comme pour lui dire : N’abandonne pas, je suis toujours là, quelque part. Tu me retrouveras, aide-moi à revenir auprès de nos filles. De nombreuses fois pourtant, Freyja avait songé à arrêter, mais elle trouvait toujours de quoi se motiver pour ne jamais vraiment s’arrêter.

Rentrant doucement de la peau d’Anya Nyström, Freya glissa dans une sublime robe censée capter l’attention sur elle. Cela lui permettrait notamment de soutirer des informations au Gouverneur, notamment sur les évènements étranges de la veille. Elle avait réussi à se faire passer pour une riche femme de pouvoir à laquelle il était nécessaire de se confier pour le bien de la nation, dont le réseau s’étendait si loin qu’elle pourrait protéger l’homme envers et contre tout, malgré l’illégalité de quelques tentatives du Gouverneur à cacher de l’argent. Alors qu’elle se tenait au bras d’un homme élégant qu’elle connaissait depuis plusieurs années - c’était notamment lui qui lui avait donné le tuyau sur le Gouverneur et qui l’avait mis en contact avec lui - elle parcourut des yeux la salle, non sans esquiver le joli minois du garde du corps du préfet qui s’approchait. Alors qu’elle saluait convenablement le représentant, elle croisa le regard de l’homme qui se tenait légèrement à l’écart, le dos bien droit. Pendant un instant, Freya crut qu’elle l’avait déjà vu, des années auparavant si ce n’est plus, mais elle balaya cette idée pour se concentrer sur la conversation avec le Gouverneur, un verre de champagne à la main, le rire claironnant après une blague de celui-ci.

Loki observe le monde, l’assemblée qui se trouve devant lui. Aucun ne semble s’inquiéter du violent orage de la veille, personne ne parle d’une forme gigantesque dans les nuages. Se pourrait-il que son esprit se soit joué de lui, simplement ? Qu’il ne se soit rien passé, qu’il ait imaginé tout ça des suites d’un exil bien trop long. Ses enfants lui manquent, c’est indéniable. Si il a fait son deuil de revoir un jour Sigyn, espérant qu’elle ait refait sa vie depuis, ainsi qu’Angrboda, il est incapable de dire adieu à ses enfants. Ils sont tous exceptionnels, peu importe leur second parent. Et à chaque instant de sa longue existence, il sera là pour les défendre comme il le peut. Même si en ce moment, il est incapable d’être physiquement là pour eux.

Essayant de se concentrer de nouveau sur ce qu’il se passe en cet instant, Loki remarque la jeune femme qui discute avec le Gouverneur. Comme une lointaine impression de la connaître. Peut-être est-ce simplement parce qu’elle est plutôt séduisante. Alors, attrapant un verre sur un plateau, le garde du corps s’avance doucement vers elle, lui adressant un signe de tête. Il attend qu’elle termine sa conversation, puis s’approche, lui tendant le verre. “ Je ne vous avais encore jamais vu par ici. Vous êtes nouvelle dans le Cercle ? ” Il sourit doucement et boit quelques gorgées du sien, détaillant sa silhouette quelques instants avant de reporter son attention sur son client, l’observant quelques secondes. Il semble aller bien.

Elle ne savait pas d’où elle connaissait ses traits. Mais une chose était sûre, ce garde du corps lui rappelait quelqu’un qu’elle avait connu, sur Terre ou là-haut, mais qui ? Son cœur ne manqua pas de rater un battement quand il lui adressa la parole. Elle retint un tremblement de sa main, empêchant le verre de champagne de frissonner dans ses mains. Pas même une vague ne s’afficha lorsqu’elle leva les yeux vers lui et pourtant, Odin lui-même devait savoir qu’elle était complètement désarçonnée par cet homme. Il avait un air dur, des épaules carrées, une silhouette bien droite, habillée parfaitement. Pourtant, lorsqu’elle vit l’espace d’un instant son sourire, elle eut la sensation qu’il n’était qu’un gros nounours qui cachait bien son jeu, qui n’avait rien à voir avec les apparences de dur à cuire qu’il se donnait. Sa voix grave était chaleureuse, plus qu’elle n’aurait pu l’imaginer. Mais elle ne se laissa pas déstabiliser.
Bien qu’elle ait terminé sa conversation avec le Gouverneur, celui-ci semblait toujours avoir un œil sur elle. Elle savait que l’erreur n’était pas acceptable dans des cas comme celui-ci. Elle aurait préféré pouvoir continuer sa conversation avec l’homme afin de soutirer davantage d’informations, usant de son charme pour happer le politique, mais la présence du garde du corps semblait faire fuir l’homme, comme s’il ne souhaitait pas se mettre en compétition avec lui. Un brin frustrée, Freya garda néanmoins son sang-froid, son sourire et ses belles paroles ; maintenir les apparences, jusqu’au bout de la mission. « J’ai toujours été plus ou moins dans le Cercle. Mais je ne me suis jamais montrée au grand jour. Anya Nyström, héritière des Nyström, j’ai repris les affaires de mon père. » lance-t-elle en lui tendant la main pour se présenter en bonne et due forme. Elle le scruta un instant avant de boire une légère gorgée de champagne. Bien qu’elle semble le connaître et qu’il lui paraisse chaleureux, une lueur dans le regard de l’homme lui fit comprendre qu’il viendrait peut-être lui mettre des bâtons dans les roues. Peut-être était-ce pour cela qu’il était venu écourter sa discussion avec le Gouverneur. Elle devait s’en débarrasser le plus vite possible.

Loki avait eu beau se glisser dans la peau de Gabriel Levitsky ce soir, il n'en restait pas moins le Dieu de la Malice, même exilé ainsi. De ses yeux clairs, le métamorphe observe l'assemblée, jetant parfois des regards vers son client, mais tout semble aller pour le mieux, alors il peut se contenter d'analyser, de comprendre pourquoi personne ne semble affolé par l'énorme orage de la veille, par cette forme gigantesque dans le ciel. Il commence à se demander si ce n'était pas qu'un songe éveillé, un cumulus ressemblant uniquement à ce fils adoré qui lui manque tant, et pour lequel il ne peut pas être présent. Il sait, sent que chacun de ses enfants est encore vivant ; mis à part Narfi, mais celui là a rejoint les astres depuis des siècles désormais, et les traumatismes restent forts en Loki, qui est incapable de voir un autre de ses enfants mourir par sa faute désormais.

Pourtant quand il remarque une jeune femme ô combien intrigante, Loki se dit qu'il doit tenter sa chance, parce qu'il a cette fameuse impression de la connaître, et qu'il a besoin de savoir d'où vient ce sentiment. Lui tendant alors un verre de champagne, Loki ancre ses prunelles claires dans celles de la jeune femme, un sourire charmeur et taquin au bord des lèvres, faisant fi de Loki pour ne revêtir que l'apparence de Gabriel. Le Gouverneur semblait les observer, mais Loki ne s'en préoccupa pas plus, prenant quelques gorgées de son verre avant d'écouter sa réponse, enregistrant le nom qui lui avait été donné. Anya. Particulier, mais très intriguant. " Enchanté, Anya Nyström. J'ai entendu parler de votre famille, une grande dynastie. Gabriel Levitsky, garde personnel du Préfet. "

Se saisissant alors de la main tendue, Loki en caresse délicatement la peau avant de lever la main jusqu'à ses lèvres pour y déposer un baiser, en véritable gentleman. Doucement, la main est lâchée, et le métamorphe reprend alors une gorgée de sa boisson, avant de reporter son attention sur la jeune femme après avoir jeté un regard à l'assemblée présente, et à son client bien entendu. " Au risque de vous paraître étrange, j'ai cette singulière impression de vous avoir déjà rencontré.. Mais pour autant, cela me semble improbable.. " Il se plonge dans sa propre réflexion, avant de lui accorder un sourire entendu. " Enfin, nous nous sommes peut-être rencontrés dans une vie passée, allez savoir. " Un clin d'œil de glissé, l'air taquin sur le visage avant qu'il ne la salue poliment d'un signe de tête, s'éloignant de quelques pas pour rejoindre le buffet et prendre une petite mignardise, dans l'idée de rejoindre son Préfet.