feels like eternity [JORGEN#1]

feels like eternity

Séparé l’un de l’autre, si soudainement, si brutalement.
Une exilée, un haut placé. Elle avait pourtant fait partie du clan, Astrid. Elle avait commencé à avoir de la renommée et ils s’étaient grandement rapprochés l’un de l’autre. Au point d’avoir partagé une belle liaison. Jorgen avait commencé à grandement s’attacher à elle - et encore, les mots étaient faibles pour décrire ce qu’il ressentait au fond de lui quand il était question d’Astrid. En revanche, à cause d’une putain de connerie, elle n’était plus des leurs. Elle s’était envolée loin, comme un oiseau qui prend son envol. Un sentiment d’abandon avait longuement hanté Jorgen avant qu’il ne se remette en question et qu’il se rende pleinement compte de la situation : Astrid n’avait aucune place de pouvoir dans le camp. Et quand on avait retrouvé Jorgen, après avoir commencé par soupçonner Astrid de meurtres, il était trop amoché pour expliquer sa version des faits. Malgré son influence, Jorgen n’avait pas un véritable poids dans le cœur des décisions du Jarl. Il avait tenté de lui faire comprendre que ce n’était qu’un accident, un jeu qu’ils avaient eu entre eux. Mais le Jarl avait prétendu que le coup que Jorgen avait reçu à la tête avait affecté ses perceptions cognitives. Il avait toujours vu Astrid d’un mauvais œil. Il lui avait suffit d’un simple prétexte pour l'éjecter du clan, même si elle avait été un bon élément.

Depuis l’incident, Jorgen s’était remis progressivement, même s’il possédait encore des séquelles. Parfois, des vertiges venaient l’attaquer, des trous noirs. D’autres fois, ses oreilles se mettaient à bourdonner mais il se disait que c’était simplement les petites conséquences de sa chute et de son léger traumatisme crânien. Ça finirait par passer.
Désormais, quand il pouvait se le permettre, il allait marcher aux abords du camp, élargissant davantage la zone au fil des mois. Il avait l’espoir grandissant d’apercevoir Astrid, qui reviendrait dans les parages pour faire la même chose. Pendant longtemps, il avait attendu la jeune femme sans qu’elle ne revienne jamais. Aujourd’hui, avec un groupe, ils s’étaient éloignés de Jorvik et des montagnes enneigées afin de pourchasser l’Ours des Neiges qui sévissait dans le coin depuis bien trop longtemps. Jorgen s’isola l’espace de quelques instants le temps que tout le monde prenne une petite pause dans les buissons. Le viking marcha quelques pas entre les pins, descendant légèrement. Et c’est là, d’un peu plus haut, qu’il la répara. Cette silhouette familière à laquelle il pensait à chaque instant, hantant ses pensées par des souvenirs puissants. Elle était là, devant lui. Mais elle avait l’air de le regarder comme un fantôme, elle lui parlait comme si elle était devenue folle, sans se rendre compte qu’il était bien là. Avait-elle finalement fait son deuil d’eux ou pensait-elle encore à ce qu’ils avaient été, avant ?

« C’est moi, Astrid. C’est vraiment moi. » Il fit un pas vers elle, n’osant pas trop s’approcher. Leur rencontre ici semblait irréelle, impossible. Et pourtant, elle était là. Il avait peur qu’elle s’approchant, elle ne s’enfuit. Qu’en la touchant, elle ne s’évapore. Et que ce soit lui, qui soit devenu fou. Lui, qui voyait finalement un fantôme.

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C'était maintenant une certitude, elle était devenue folle. Ces longues années d'exil, loin de Jorgen et hantée par son fantôme, et le fait qu'elle s'approchait de Jorvik pour la chasse de cet incroyable ours blanc ne faisait qu'augmenter ses hallucinations, au point que l'image qu'elle voyait de Jorgen en cet instant en venait même à lui répondre. Elle avait longtemps craint d'avoir oublié le timbre de sa voix, mais il semblerait que non, qu'il soit bien présent dans son esprit pour qu'elle puisse se le remémorer ainsi. Alors, toujours adossée contre son arbre, la viande séchée entre les dents, la brune observe la silhouette qui s'approche sans pouvoir croire qu'elle est réelle, parce que Jorgen est mort.

Par sa faute.

" Je sais que c'est toi, j'suis pas aveugle. C'bien la première fois que tu parles. Mais je t'ai déjà dis que tu pouvais aller en paix au Valhalla, Jorgen. Je ne t'oublierais pas. " Jamais, ce serait impossible. L'amour de sa vie n'est plus, et par sa faute d'autant plus. Astrid ne saurait jamais accepter un autre homme pour mari, tant que ce n'est pas celui dont elle est amoureuse depuis qu'elle connaît le sens du mot. " J'espère que tu m'attendras, une fois là-bas. J'te rejoindrais, tu le sais. Y aura jamais personne d'autre que toi. " Elle espère juste qu'il voudra bien d'elle, une fois que son esprit aura rejoint le Valhalla, si elle en est aussi digne que Jorgen. Mais d'avoir causé sa mort ne lui ferme t-il pas les portes de ce monde de l'au-delà ? Astrid espère que non, parce qu'elle souhaiterait réellement pouvoir passer l'éternité à ses côtés.

Rangeant ses restants de viande séchée, la chasseresse reprend son arme dans la main, soupesant le poids de l'arc avant de faire quelques pas dans la direction du mirage. Mais elle s'arrête, les sourcils froncés, en passant près de lui, parce qu'il ne disparaît pas comme d'habitude. Non, au delà de ça, elle sent même une distincte odeur qui lui rappelle ses jeunes années, quand elle était encore aux côtés du blond. " C'est étrange. Est-ce un signe des Dieux, de te voir aussi proche ? Es-tu venu me chercher pour m'emmener au Valhalla ? " Peut-être qu'elle ne survivra pas à sa rencontre avec l'ours, au final.. Mais si elle peut rejoindre Jorgen, alors Astrid embrasse son destin sans aucune honte ni crainte ; parce que le blond sera là, à l'attendre.

Elle avait vraiment viré folle, en fait.

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Leur interaction actuelle était surnaturelle. Astrid se trouvait là, dans la forêt, comme une paria tentant de survivre. Ça lui faisait tellement mal au cœur de la voir ainsi. Elle lui manquait. Mais elle ne semblait pas se rendre compte que l’homme qu’elle aimait était véritablement là, devant ses yeux. Il sentait son cœur se resserrer au fond de son être. Les larmes étaient prêtes à lui monter aux yeux. Il réalisait à quel point elle lui avait manqué. À quel point la mort de Jorgen avait eu un impact fort sur le cerveau d’Astrid. Cela signifiait que ce n’était pas la première fois qu’elle apercevait son fantôme, qu’elle tentait de lui parler. Dans ses mots, elle l’envoyait déjà au Valhalla. Mais Jorgen avait survécu. Avec des séquelles, mais il était là.

Son amour était sincère. Il l’entendait, dans sa voix. Il la regarda agir sans un mot, trop choqué. Si seulement il pouvait la prendre dans ses bras, la faire réagir, lui faire comprendre qu’il était là, qu’il n’était pas mort. « Astrid … » Non, il n’allait pas l’emmener au Valhalla. Non, elle n’allait pas mourir. Il tendit le bras, désespéré. Attrapa son poignet. C’était sa seule façon de communiquer, d’être sûre qu’elle captait sa présence. Il fallait qu’elle comprenne qu’il était là, bien vivant. « Astrid … Je suis là. Je ne suis pas mort. J’ai survécu … » Les émotions dans son être était encore plus fortes. Un mélange d’amour, de détresse, de stress, de tendresse, de peur. Astrid, reviens-moi. Je suis là, devant toi. Comment te convaincre …

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Elle était persuadée qu'il n'était qu'une illusion, comme les trop nombreux rêves, éveillés ou non qu'elle avait pu faire de lui. Quand bien même il parlait, Astrid était incapable de réaliser que l'homme qui se trouvait face à elle était réel, qu'il n'était pas un fantôme venu la chercher ou encore même, simplement la hanter. Parce qu'Astrid s'en voulait énormément de cette idée stupide qu'elle avait eu, ce jeu quand ils étaient plus jeunes et qui avait coûté la vie à l'amour de sa vie. On l'avait empêchée de le voir, de lui faire ses adieux, et elle n'avait eu qu'à prendre ses affaires et partir si elle ne souhaitait pas être exécutée. Pourtant, avec le recul, Astrid ne pouvait que se dire que ça aurait certainement été plus simple et mieux ainsi, si ils l'avaient simplement exécutée sans lui offrir l'exil ; au moins, elle aurait été directement en paix avec Jorgen pour l'éternité.

Pourtant, en passant à ses côtés, la jeune femme eut l'impression qu'elle avait franchit la barrière entre l'au-delà et le monde où elle était censée se trouver, parce qu'au delà de l'image et maintenant du son, il y avait surtout eu une odeur, particulière et pourtant si familière à la fois. Elle s'était arrêtée, les sourcils froncés, l'impression de virer totalement folle où alors que son heure était venue - était-elle déjà morte sans le savoir ? Son prénom prononcé de nouveau, la jeune femme avait levé le menton vers cette âme sœur qu'elle avait perdu, détaillant le visage qui lui semblait si réel bien que ce fusse impossible.

Il ne pouvait être vivant.

Et pourtant, elle sentit sa main lui attraper le poignet, le faisant froncer un peu les sourcils tandis qu'elle détaillait ce visage qui n’apparaissait plus que dans ses songes et ses hallucinations. " C'est impossible.. Je t'ai vu mourir. J'ai été bannie pour ce que je t'ai fais. " Et pourtant il lui tenait le poignet, elle pouvait sentir la chaleur de sa peau sur la sienne, et dans un geste délicat, Astrid glissa sa seconde main sur la joue de Jorgan pour en caresser la peau et le regarder un peu plus encore. " Suis-je déjà auprès de toi là-haut ? Je ne comprends pas.. Si tu avais survécu, je l'aurais su, pas vrai.. ? " Tout au fond d'elle, elle sait très bien que non. Personne ne serait revenu la chercher. Elle ne faisait pas parti de leur vie au premier abord, enfant trouvée qu'ils avaient élevée et pourtant, il avait fallu ce stupide accident pour la bannir des terres où elle se trouvait aujourd'hui. " Je te sens.. Je sens ta peau, je sens ta chaleur.. " Son regard n'était qu'incompréhension, tandis qu'elle caressait doucement la joue sous ses doigts.

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Auprès d’elle, il devait ressembler à un fantôme du passé, revenu d’entre les morts pour la hanter. Il comprenait sa position. Il l’avait lui-même attendu pendant des années, espérant la revoir, la confondant avec d’autres femmes parfois, qui étaient de dos. Ils avaient décidé de la faire souffrir, de lui imposer son erreur tout au long de son errance, l’obligeant à culpabiliser. En cet instant, il aurait voulu lui dire qu’il lui pardonnait, qu’il trouverait un moyen pour qu’elle revienne parmi eux mais Jorgen savait qu’il fallait déjà la convaincre qu’il était bien là, en vie, sous ses yeux. Qu’il était réel.
Mais comment le prouver ? Comment prouver que nous ne sommes pas l’ombre de nous-mêmes, un sosie, un mirage ? Comment faire en sorte que le cerveau de l’autre réalise, quel est l’élément déclencheur ? Jorgen n’avait trouvé qu’une solution : lui attraper le poignet, en espérant que cela serait suffisant pour lui prouver la réalité. La toucher semblait être l’élément déclencheur mais il n’en était pas certain.

Il détaillait son visage, s’accrochant à ses traits qui n’avaient pas énormément changés depuis la dernière fois. Elle restait dans le déni pour le moment mais Jorgen ne savait pas quoi dire ni quoi faire pour l’aider à comprendre. Il préférait la laisser chercher par elle-même. Ainsi, quand elle glissa sa main contre sa joue, ses doigts passant sur sa barbe, il se dit que le côté âpre de sa pilosité pourrait l’aider mais ses mots confirmaient qu’elle n’avait toujours pas réalisé. Jorgen avait l’impression que son cœur se brisait en des milliers de morceaux chaque fois qu’elle l’évoquait mort ou dans un autre monde. C’était comme un coup de couteau à chaque insinuation. « Pour ton geste, ils ont décidé de te laisser dans l’errance et la culpabilité, même si je n’étais pas mort. Je me suis battu pour que tu puisse revenir parmi nous mais le Jarl n’est pas d’accord. » Il avait mal au cœur a exprimer ses mots, se rendant compte qu’elle n’aurait plus jamais sa place parmi eux. Cette perspective le faisait trembler de détresse. Plus jamais il ne pourrait vivre heureux à ses côtés. « Je ne sais pas … Je ne sais pas comment te prouver que je suis là. » Délicatement, à son tour, il vint poser une main sur la joue de la jeune femme et s’approcha tout près d’elle, la laissant faire le dernier pas pour se rendre compte qu’elle pouvait le toucher mais aussi l’embrasser.