martèlement du cœur. [JEKING#3]

martèlement du coeur

jakarta&fering#3

Il aurait dû la retenir avant de la laisser partir au Mur. Désormais, il rumine. Il revoit encore sa démarche chaloupée s’éloigner de lui, les talons claquant dans le couloir du monde des Judicieux. La belle blonde s’en était allée, laissant sur le torse du Roi une empreinte marquée qu’il garde encore contre lui, allongé dans sa couchette, derrière un rideau, au-delà de son immense bureau. Aujourd’hui, les murs autrefois imposants, inspirants le respect, avaient un aspect fade et froid. Il n’y avait rien de rassurant à contempler le plafond immaculé, à voir les papiers s’accumuler sur son bureau. Son regard bleuté se perd dans le vide, ses pensées s’envolent désormais dans le regret et dans la frustration de l’impuissance. Il savait déjà qu’en peu de temps, la jeune femme avait marqué sa vie. Elle hantait déjà ses pensées, alimentait ses rêves les plus fous, qu’elle fasse une simple apparition ou qu’elle en soit le sujet majeur. Il ne s’était passé que quelques mois depuis cette première soirée, où ils n’avaient échangé que quelques mots et de longs regards remplis de sens. C’était comme s’ils se comprenaient sans même avoir besoin de la parole. Une télépathie, une connexion. Quelque chose auquel Jakarta n’avait jamais cru.

Il était passé voir Bombay après tout ce qu’il s’était passé, ses entrevues avec Caraquet, ce qu’il se passait avec Fering et une petite histoire rapide avec une autre jeune femme. Il en avait assez de voir Fering partout, il avait la sensation de revoir sa femme. Celle qu’il avait perdu sept ans plus tôt en entrant en Pangée. Celle pour qui il s’était juré de ne jamais retomber amoureux, celle qu’il attendait encore, prêt, s’attendant à la retrouver un jour où l’autre, de l’autre côté des murs, si toute la population n’avait pas été anéanti, si elle était dans une autre Pangée .. Et si ? Pourtant, Fering lui ressemblait tellement et il avait fallu extraire toutes ces pensées de son cerveau, auprès de Bombay, capable de l’écouter, de la conseiller et par quelques prouesses sensuelles, à lui faire oublier tout ce qu’il avait en tête.

Mais ce soir, il était seul, au milieu de son lit, perdu, pensant encore à elle. Il avait envoyé des gardes près du Mur, afin de garantir la protection des Judicieux, comme convenu dans un nouvel accord avec Caraquet. Il savait la demoiselle méfiante du Roi. Pour autant, elle semblait se laisser aller à cette alliance. Malgré le passif Robuste / Judicieux, malgré leur différence et l’apathie entre les deux clans. Une intuition soudaine l’alarma, suite à la discussion qu’il avait eu avec la Reine. Pourquoi avoir tant besoin de protéger les Judicieux, pourquoi avait-il vraiment besoin de la judicieuse, pourquoi elle ? Ils pourraient prendre n’importe qui, pourquoi ce choix ?
Une lumière rouge s’alluma soudainement dans la tête du Robuste. Il se redressa soudainement de sa couchette et mit les deux pieds par terre. Il ne pouvait pas rester les bras croisés. Les rangers frappèrent le sol, sa démarche rapide résonna dans les couloirs nus du bunker, jusqu’à devenir des pas de course de plus en plus rapides, chaque foulée devenant plus grande. Son souffle commençait à être plus fort, les battements de son corps plus rapide, le cœur pompant plus fort, martelant dans sa poitrine, jusqu’à ses tempes. Même lorsque l'immense porte blindée s’ouvrit en trombe et claqua derrière lui, ses pensées semblaient tambouriner plus fort dans son crâne. Il courut. Courut jusqu’à s’en crever les poumons, jusqu’à ce que ses entrailles se déchirent, que ses genoux le lâchent, qu’ils ne lui permettent plus d’avancer. Il s'effondra dans la terre, dans la boue, dans la nuit, hurlant. Le poids des responsabilités. Ce sentiment de solitude. Cet attachement soudain. Le manque de sa femme. Cette pensée folle de se dire qu’il pourrait la protéger, la sauver, alors qu’il ne la connaissait pas.
Encaisser la souffrance. Se relever. Reprendre son chemin. Sécher la perle de colère sur la joue.

Jakarta trouva un véhicule, de quoi l’emmener jusqu’au Mur, l’empêcher d’y aller, ou au moins assister à son départ. Il roula. Il roula comme un fou furieux. Dans cette stupide voiturette appartenant aux Robustes, négligeant la vitesse, les sécurités. Il était Roi après tout. Autant abuser de ses privilèges. Il fonça jusqu’à ce qu’il aperçoive la silhouette du Mur. Il s’arrêta en trombe, dérapant lorsqu’il aperçut enfin sa chevelure blonde au loin. Fering.
Il la regarda un long moment sans bouger, les phares éclairant dans une direction opposée. Puis il sortit, doucement, le cœur battant toujours la chamade contre sa poitrine. Elle était belle. Elle s’en allait. Elle disparaissait. Et il la laissait partir, comme il avait abandonné sa femme.

« Attendez ! » hurla-t-il avant de se mettre à courir dans sa direction.  

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Elle aurait aimé, ce matin, que le Roi des Robustes la retienne. Quand ils se sont rencontrés chez Caraquet, une partie d'elle voulait qu'il la garde captive, qu'il la protège peut-être. Mais Fering n'avait pas besoin qu'on s'occupe d'elle, après tout, c'était l'image qu'elle laissait transparaître un peu trop souvent. Alors qu'elle préparait ses affaires, qu'elle laissait derrière elle ce projet fastidieux avec Kourou et sa précieuse Tour d'Astronomie, Fering était tout au fond terrorisée. Qu'allaient-ils lui faire, là-bas ? Enfilant un long manteau d'un bleu sombre, Fering prends le temps de nouer ses cheveux blonds en une longue tresse. Elle attrape son sac, le glisse par dessus son épaule avant de quitter la Tour d'Astronomie, non sans un dernier regard vers elle. Cet endroit allait lui manquer, le temps qu'elle serait partie. C'est en poussant un profond soupir que Fering se glisse dans le véhicule qui l'attend, conduit par Kourou. Son ami et collègue lui a proposé de la conduire jusqu'au Mur, et Fering a accepté, en lui demandant tout de même de la laisser assez loin. Parce qu'elle n'est pas certaine qu'elle avait le droit de lui dire, et surtout, elle a envie de marcher jusqu'au point de rendez-vous. Ce besoin de se vider la tête, d'évacuer sa peur, seule.

Lorsqu'enfin Kourou arrête le véhicule, Fering lui offre un petit sourire pour le remercier, posant une main sur le bras du jeune homme. " Be safe, alright ? I'll contact you whenever I'll go out. " Si, elle sort. Se voulant rassurante, Fering sort délicatement de la voiture avant de le regarder faire demi-tour et partir jusqu'au quartier des Judicieux. Quand le véhicule est enfin loin, plus qu'un petit point dans son champs de vision, la jeune femme tourne les talons pour reprendre son chemin jusqu'à la porte du Mur. Les mains enfoncées dans les poches de son épais manteau, Fering rumine ses pensées, nourrit sa crainte de ce qu'elle va devoir faire, là-bas. Elle n'y est pas allée depuis.. Depuis son arrivée, en réalité. Alors que petit à petit, la silhouette de la porte, du mur se faisait plus imposante dans sa vision, le bruit d'un engin motorisé se fit entendre. Les sourcils froncés, Fering continue tout de même de marcher non sans un regard discret en arrière. Est-ce que Kourou décide de venir la chercher ? Non, ce serait idiot de sa part, surtout aussi prêt du mur. Les fameux Robustes que le Roi souhaitait envoyer ? Peut-être. Mais il y a cette voix, qui résonne soudainement dans la pénombre de la nuit. Celle qu'elle pourrait reconnaître entre mille. S'arrêtant, Fering se retourne en fronçant les sourcils, pour voir Jakarta courir vers elle.

Et son cœur, il rate un battement, à cette vue. Il est là. Fering elle ne bouge plus, les pieds plantés dans le sol alors qu'il se rapproche, qu'il court vers elle. Son corps est figé quand bien même elle souhaiterait courir elle aussi pour le rejoindre, pour rompre la distance plus rapidement. Soudainement, il n'est plus qu'à quelques mètres, et Fering semble reprendre le contrôle de son corps. Elle s'avance vers lui, tend la main pour attraper celle du Roi, pour le stopper dans sa course folle. Instinctivement, elle pose une main sur sa joue, avisant ce corps tremblant sous l'effort et cette respiration hachée. " You came.. " Un faible pourtant sincère sourire se pose sur les lèvres de Fering, et elle caresse délicatement la peau chaude du Robuste, attendant qu'il reprenne contenance, qu'il lui explique ce qu'il vient faire là. " You know, I think earlier, I hoped that you'd be here, in some way. I guess we both loose at our game, don't you think ? " Elle se met sur la pointe des pieds, pour lentement poser son front contre celui du Roi. " I'm scared, my King. " Parce qu'il n'était plus l'heure des mensonges, pas quand elle l'a vu courir vers elle à ce rythme effréné.

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La course folle de Jakarta à travers le territoire allait peut-être lui valoir cher, même en pleine nuit avec un statut de Roi. Malgré sa position de force, il restait malgré tout un membre du Conseil que l’on pouvait sermonner. Bien qu’il y ait toujours eu une bonne entente entre le Roi des Monarques et lui, Jakarta ne doutait pas une seule seconde que l’information risquait de remonter à ses oreilles et qu’il viendrait à convoquer Jak. Le plus important n’était ni la convocation ni la confrontation possible avec le Roi, mais plutôt la raison de cette course effrénée à travers la Pangée. Il se doutait que si l’on apprenait par une quelconque façon son rapprochement avec la Seigneure des Judicieux, il était fort probable que ce lien soit rejeté, mal vu et que cela les pousse à cesser leurs entrevues.
Si personne n’avait jamais jugé le Roi pour ses allers-retours incessants chez les Élégants - chacun sachant pertinemment ce qu’il allait y faire - il savait que les rumeurs iraient bon train dès que cela concernerait les Judicieux. Ils étaient censés se détester, quand Jakarta était plus que capable de supporter la présence de ceux-ci. Il collaborait en effet à Caraquet dans l'objectif de rapprocher les deux clans et pourquoi pas de faire changer les choses en Pangée. Si cela commençait à filer entre les murs, il savait qu’il se compromettait et qu’il emmenait Caraquet dans sa chute. Mais il désirait malgré tout prendre ce risque. Les Robustes étaient là pour protéger les autres mais le Roi avait aussi le ferme désir de faire tomber ceux qui étaient derrière la Pangée.

Depuis des années, ils tournaient en rond comme des animaux en cage dans ce monde qu’on avait créé pour eux, censé les sauver. Une utopie en somme. Néanmoins, le jeune homme s’était rapidement rendu compte que les meneurs de la Pangée en avait profité pour se permettre de contrôler une population, et de la manipuler en fonction de ses envies et de - sûrement - utiliser les personnes présentes comme des cobayes.
Voilà ce qu’ils étaient devenus. Des rats de laboratoire. Il était certain que les petites lignes cachées en page de page des documents qu’ils avaient signé en arrivant devait stimuler leur coopération totale et la possibilité de les utiliser à des fins d’expérimentations. Jakarta regrettait d’être entré dans cet environnement dans la précipitation, devenant un pur mouton de la société, ce qu’il avait toujours rejeté au cours de sa vie et qu’il avait insulté de tous les noms sous le regard empli de fierté de son père. Pour aujourd’hui être un mouton.
Un mouton qui ne voulait pas voir une jeune femme blonde s’en aller, se fondre derrière les Murs. Il sentait le martèlement de son cœur jusque dans ses tempes.
Bam-bam-bam.
Il battait si vite dans l’obscurité de la nuit que Jakarta en oublia son environnement. Gardes, sécurité installée aux alentours, toutes les armes étaient prêtes à lui sauter dessus comme des prédateurs sur leurs proies au moindre faux pas. Et pourtant, il ne put se retenir d’exprimer sa détresse en leur demandant d’attendre.

Jakarta freina sa course en se rapprochant de Fering. Sa longue chevelure blonde était joliment nouée sous forme de tresses et retombait sur son épaule. Lorsqu’elle posa sa main sur la joue du Rouge, celui-ci ressenti un apaisement soudain. Il tenta de calmer sa respiration saccadée tandis qu’il remarquait les tremblements de la demoiselle. Il posa à son tour sa main sur celle de la demoiselle, la serrant entre ses doigts, l’éloignant de sa joue. Il écarta son front d’elle et la dévisagea longuement, glissant ses yeux sur les traits de son visage, descendant le long de ses joues, de ses lèvres pour remonter jusqu’à ses pupilles bleutées. « Don’t be, you're strong. You're gonna be okay. They just need your expertise. » Il essayait de se montrer rassurant malgré la terreur qui s'immisçait dans tout son être, distillant toute forme de confiance en lui. Il glissa un clin d'oeil complice à son attention. « Maybe. Maybe we lose. » Il savait ce que cela signifiait, ce que ces mots avaient comme sens pour eux deux. Ils étaient aussi puissants que trois petits mots plutôt communs.
Il s’accrocha à ses prunelles, prêt à lui annoncer quelque chose. Dans un souffle, il chercha ses mots. « Look. Whatever happens, no matter how long you’ll be there, I’m right here. » Il posa son index sur son coeur. Il aurait rêvé avoir un quelconque moyen de communication avec elle, même une sorte de code. Mais il savait que c’était impossible et bien trop tard. S’ils avaient su plus tôt, ils auraient pu élaborer probablement un plan complexe afin de se tenir au courant de leur état de santé. Désormais, ils devaient faire avec les ressources accessibles.

« One of my men will come with you, just to be sure. He will become my ears and my eyes. I can contact him. You’ll be safe, up there. I promise. » Il sentait sa promesse aussi profonde que creuse. Jamais il ne pourrait garantir sa sécurité autant que s’il était venu avec elle. Mais il ne pouvait se compromettre. En revanche, il pouvait envoyer l’un de ses hommes à ses côtés et le justifier plus facilement. Il s’écarta d’un pas, craignant que leur proximité puisse être vue de tous et relâcha ses mains. La détresse dans son regard trahissait ses émotions mais il l’évacua rapidement, faisant apparaître un voile impassible sur son visage. Il redevenait Roi.
Il éliminait la vulnérabilité de son cœur tout en sachant qu’elle reviendrait au premier instant de solitude.  

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Ils n'étaient pas à l'abri des regards, même si encore suffisamment loin du mur pour ne pas spécialement attirer l'attention, encore. Tant qu'ils ne se mettaient pas à chercher Fering, probablement, mais elle n'était pas en retard au rendez-vous donné au pied de la Pangée. Alors, quand enfin elle fut proche de lui, à sentir son corps contre le sien, Fering pu caresser sa joue et poser son front contre celui du Roi, à sentir son souffle tout contre le sien. Y a ce faible sourire sur ses lèvres, les propres tremblements de son corps qui ne sont pas dus à un effort quelconque, mais juste à cette crainte de ne jamais revenir alors qu'elle l'a vu courir vers elle ainsi. Alors Jakarta tente de la rassurer, et elle hoche lentement la tête, à se dire que si ils ont découvert son projet avec Kourou, ils l'auraient probablement convoqué lui aussi, alors probablement qu'ils ne lui veulent rien de mal. " But.. But what if I never see you again ? I don't want to say goodbye to you. " Parce qu'à demi-mot, elle lui a avoué avoir perdu, et qu'il confirme en gardant cette trace secrète, parce que probablement que le dire à voix haute rendrait les choses plus déchirantes encore.

Mais Jakarta s'essaie à la rassurer un peu plus, et à sentir son index tout contre sa poitrine, elle ne peut s'empêcher de fermer les yeux, d'avec une larme qui s'en échappe pour rouler sur sa joue. Elle hoche un peu la tête, pose sa main sur le doigt du Robuste pour le garder un peu plus longtemps contre son cœur. " I know.. I'll miss you. " Et y a ce sourire un peu triste sur ses lèvres, alors qu'elle le laisse s'éloigner, et qu'il y a ce vide qui se forme dans tout son être, au plus profond de ses entrailles. Elle avait envie de l'embrasser pourtant, de se contenter d'un dernier baiser pour en savouer les dernières secondes, mais Fering n'ose pas. Pas quand il remet ce voile contre lui, et qu'elle n'est que panique maintenant qu'il s'est éloigné. Un des Robustes sera avec elle, là-bas. Et si ça la rassure un peu, Fering, elle aurait tout de même préféré que ce soit lui. " Alright.. Thank you, I supposed. I just.. I just want you to know, that I hate the way you make me feel. " Et y a un léger sourire sur ses lèvres, à se tenter une petite plaisanterie tout en croisant les bras sur sa propre poitrine. " While I'm gone, you could.. Think about our next game. Since we loose this one. " Une manière à elle, probablement, de lui dire ce qu'elle ressent. Sans être trop explicite, parce qu'on ne sait jamais ce que les mots pourraient faire. Et elle jette un regard en arrière, autour d'eux, à se demander si on les observe de loin, alors que le Mur se dessine dans la pénombre. " What do you think they want ? "

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Les martèlements du cœur, c’est comme un cheval au galop en pleine lande. Ça court sans s’arrêter, les quatre fers tambourinent contre le sol, résonnent dans tout votre corps et transpercent votre être. C’est l’effet qu’elle lui fait, la Judicieuse, elle fait frapper le myocarde de l’homme si fort qu’il a la sensation qu’il va faire exploser sa poitrine. Ce ne sont pas seulement ses doigts contre sa joue, ni son souffle dans sa nuque. Cela ne s’arrête pas au parfum qui l’enivre, aux souvenirs de soirées passées l’un contre l’autre mais davantage à un tout, renforcé par de petits mots soufflés près de son oreille, cachant l’aveu au monde entier. Il n’est pas le seul à avoir perdu à ce petit jeu qu’ils ont lancé. Elle avoue qu’elle a elle-même perdu. Ils ne disent pas les trois mots qui rendent les choses trop concrètes. Parce que leur relation est encore floue. Ils tiennent l’un à l’autre mais ne mettraient pas en péril leur clan. L’attachement grandit mais n’est pas encore suffisamment puissant. Alors ils ne disent pas ce qui commence à se faire ressentir au creux de leur être, ce qui les anime, ce qui a donné à Jakarta cette adrénaline de courir jusqu’ici, jusqu’à elle, pour un dernier au revoir. « We will meet again, I promise. Anywhere … » Il aurait presque pu ajouter « anywere you are » mais il se retient pour ne pas rendre cet au revoir trop important, trop lourd de sens dans leur coeur.
L’absence, le temps, loin l’un de l’autre, risquait de les plonger dans de profondes réflexions capables de faire basculer ces petits êtres. Ne pas brûler les étapes, ne pas trop s’emballer, surtout dans un monde comme le leur.

L’envie est cruelle. Son cœur hurle de l’embrasser à chaque fois qu’il fait un pas en arrière. Il sent même ses joues se contracter. Mais il tient bon, il la rassure, s’assure lui-même de sa sécurité avec l’un des siens. Ses muscles se tendent. Il a envie de sentir une dernière fois ses lèvres. Il sent déjà le regret poindre le bout de son nez. Pourtant, il n’a pas bougé d’un poil, imposant une distance de sécurité. Il ferme son regard, ferme son visage. Il est un Robuste, il est puissant. Il doit contrôler ses émotions, les cacher. C’est ainsi qu’on lui a appris à vivre, ainsi que doit se montrer un chef de clan.
Un petit sourire se dessine tout de même sur le visage de l’homme lorsqu’il sent la lueur de défi dans les mots de la jeune femme. « I hate that too. » Il avoue aussi, sans vraiment le dire. « Yeah, maybe you should think about it too. I started the first game, would you give me the honor of starting the second ? » La détermination et le regard joueur s'immiscent alors entre eux, comme une promesse à l’un comme à l’autre de ne pas s’oublier le temps de l’absence. « I don’t know what they want. But I know you're a scientist, passionate by the stars and I know they are looking for options outside the Pangee. Maybe you’ll be our savior, my queen. »

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Dire ces fameux trois mots, c'est pire que d'avouer avoir perdu à ce jeu, ce pari idiot qu'ils s'étaient lancés, fiers de leurs positions. Mais malgré ce qu'elle ressent, ce qui s'avoue à demi-mot, Fering ne franchit pas cette barrière parce que certainement que ça rendrait les choses encore plus douloureuse, que leur relation n'est déjà pas certaine, parce qu'il y a les clans, qu'ils ne peuvent pas mettre en péril tout ça pour une amourette, pas vrai ? La promesse de se retrouver la fait sourire doucement, à défaut de pouvoir l'embrasser pour la sceller, et Fering jette un nouveau regard autour d'eux, le cœur lourd de devoir partir sans se retourner. Ils n'ont pas le choix, leurs chemins se séparent ici et pourtant Fering rêverait de s'enfuir avec lui, de courir sans se retourner, et au diable la Pangée, sauront-ils vraiment qu'elle est venue jusqu'ici ? Certainement qu'on les observe déjà, dans un coin, et ça pourrait la faire bouillir de colère si toutes ses pensées n'étaient pas orientées vers le robuste face à elle.

Alors y a ce sourire quand la proposition du blond se fait entendre, que ça a le don de la relâcher quelques secondes, assez pour respirer et sentir le poids de sa poitrine qui s'allège de quelques centièmes. " Of course, I will think about it while I'm gone, alright ? That way, we'll start it when I'll be back.. " Back to you. Les mots se meurent entre ses lèvres, et elle détourne un instant le regard, hochant la tête quand les suggestions du Robuste fusent. Ils ne vont certainement pas la blesser. " Yeah, perhaps.. As long as they don't throw me out there.. 'Guess I'll be fine. " Léger sourire amer, avant qu'elle ne jette un nouveau regard autour d'eux. Et parce qu'il est certainement temps d'y aller, Fering ose franchir le dernier pas qui les sépare, pour en une fraction de seconde déposer ses lèvres sur les siennes avec une douceur rare, appuyant légèrement les chairs l'une contre l'autre avant qu'elle ne recule. " Remember me, my King. " Et dans un dernier souffle, un dernier baiser volé, Fering tourne les talons pour s'éloigner, pour s'enfuir le plus rapidement possible, parce que sinon il verrait cette larme qui roule sur sa joue, et elle ne peut pas se laisser aller ainsi, que les émotions ne peuvent pas la submerger, pas elle.

Ils la garderont deux mois. Deux longs mois avec l'impossibilité de donner des nouvelles à l'extérieur, ou le temps lui semblait être une éternité, que mourir aurait certainement été préférable, mais elle a tenu, pour lui, pour retourner dans la Pangée.